Corps en mouvement, esprit en vie : penser la résilience autrement

Voici un résumé de mon intervention de ce samedi 26/10/2025

La résilience est un mot que l’on entend partout. On la présente parfois comme une qualité héroïque, une capacité innée à “rebondir”. En réalité, la résilience n’est ni une injonction sociale, ni un état figé : c’est un processus vivant, souvent lent, fragile, traversé de pauses, de reculs, de reprises.
Dans ma pratique clinique, elle se manifeste rarement par de grandes réussites spectaculaires, mais plutôt par ces petits mouvements discrets, presque imperceptibles, qui traduisent la vie qui recommence à circuler — un souffle, un geste, une émotion retrouvée.

La résilience, c’est avant tout la capacité à remettre du mouvement là où tout s’est figé.
Et pour comprendre cela, il faut revenir au corps, car c’est par lui que tout commence et souvent, c’est aussi par lui que tout peut se réparer.

1. Le corps, lieu de la blessure et de la mémoire

Lorsqu’un événement traumatique survient, c’est tout le système corps-esprit qui vacille.
Le psychisme se met en pause, la pensée se fige, et le corps entre en mode de survie : fuite, lutte ou figement. Ce dernier est souvent le plus insidieux, car s’il protège sur le moment, il enferme ensuite.
Comme le rappelle Bessel van der Kolk dans Le corps n’oublie pas, la mémoire du trauma ne se loge pas uniquement dans les mots. Elle s’inscrit dans la chair, dans la respiration, dans les réflexes, dans la posture.

Certaines maladies chroniques ou graves, certains soins répétés ou diagnostics brutaux peuvent eux aussi produire une effraction psychique. Ce que j’appelle un traumatisme processuel : non pas un choc unique, mais une série de micro-effractions qui usent lentement le sentiment de sécurité.
Dans ces situations, le corps devient le lieu d’une double charge : celle de la maladie, et celle du trauma. Il garde les marques invisibles de ce qui n’a pas pu se dire.

2. Le corps, point d’appui pour la reconstruction

Mais si le corps porte la trace de la blessure, il est aussi le point d’ancrage de la transformation.
La vie, c’est du mouvement : le cœur qui bat, le souffle qui circule, les muscles qui s’ajustent. Lorsque la personne parvient à remettre du mouvement dans ce corps figé — même infime —, quelque chose se réveille en elle.

Comme le dit le médecin et hypnothérapeute Jean Becchio, “la conscience s’appuie sur la motricité”.
Le mouvement soutient la pensée, la sensation d’exister, la possibilité d’être présent à soi. Sans mouvement, la conscience se replie.
C’est pourquoi la résilience commence souvent par un simple geste : respirer plus amplement, sentir ses appuis, remettre du rythme là où tout s’était arrêté.

Cette reprise passe aussi par la proprioception, ce “sixième sens” qui nous relie à notre corps intérieur.
Réapprendre à sentir son axe, sa posture, ses appuis, c’est reconstruire le sentiment d’un “je suis là”.
Des exercices simples, comme la respiration consciente ou la cohérence cardiaque, permettent de rétablir cette régulation interne : cinq secondes d’inspiration, cinq secondes d’expiration, et peu à peu, le cœur et l’esprit se réaccordent.

3. Le mouvement comme lien et comme création

Le mouvement corporel n’est pas seulement un acte individuel : c’est aussi une manière d’être en lien.
Un regard, une main posée, un sourire échangé, sont déjà des gestes de relation. Ce sont des micro-mouvements de l’âme, qui soutiennent la résilience.
Le corps, par sa dimension expressive et créative, devient alors un espace de symbolisation.
Dans l’art-thérapie, la danse, la psychomotricité ou l’hypnose corporelle, le mouvement fait émerger ce que les mots ne peuvent pas encore dire.
Chaque geste inventé, chaque respiration retrouvée, chaque dessin, est une façon de redonner forme au chaos, de recréer du sens à partir de la matière même du corps.

Conclusion

La résilience n’est pas “aller bien”.
C’est permettre à la vie de recommencer à circuler, malgré la douleur, malgré les cicatrices.
Et dans ce processus, le corps n’est pas spectateur — il est acteur, mémoire, point d’appui et source de relance.Si je devais en garder une image, ce serait celle de l’arbre blessé mais vivant, celui qui a connu la tempête et qui continue malgré tout de pousser, de se tourner vers la lumière. Ses cicatrices ne disparaissent pas, elles deviennent les lignes de sa force.

« Quand le corps se remet à bouger, l’esprit recommence à vivre. »

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.